La criée de la Marée. |
Le marché déborde largement des pavillons et s'étend sur les trottoirs de toutes les rues environnantes - le carreau forain - et dans les boutiques des commissionnaires.
Dès 11 heures du soir on se prépare, la vente commence généralement vers 4 heures du matin. Il y a la vente à l'amiable et la vente à la criée. La vente au détail succède à la vente en gros dans la matinée.
Les rois de la place sont les mandataires- 600 environ- qui ont le monopole du marché de gros des pavillons . Les autres vendeurs sont les approvisionneurs, les commissionnaires, les cultivateurs, les horticulteurs, les regrattiers, les vendeurs au petit tas, les vendeurs d'arlequin, de soupe,....
L'évolution récente du quartier des halles est contée dans 3 autres articles
Les manutentions
Arrivée de l'Arpajonnais. Une quinzaine de trains arriveront avant 3 heures |
L'Arpajonnais dans les salades |
Les potirons d'Arpajon. |
Le pavillon des fleurs à l'installation |
A la même heure les premiers trains de l'Arpajonnais arrivent.
Le chemin de fer d'Arpajon aux halles avec embranchement de Montlhéry à Marcoussis apporte aux Halles les produits de la contrée d'Arpajon que sont alors les haricots, les fraises et les potirons. En 1900 il apporte plus de 10 000 tonnes annuelles par des trains de nuit qui parcourent les 37 km de la ligne.
Les manutentions se font sous la surveillance des forts des halles.
Les forts font placer les voitures, perçoivent les taxes et les "mètres". Ils déchargent les colis et les marchandises en provenance du chemin de fer. En réalité le fort regardent travailler leurs "renforts" , clochards qu'ils ont recrutés. Les forts doivent aussi dresser les "tas" de denrées, là aussi ils se font "aider" par des "tasseurs". Seuls les forts ont le droit de sortir des marchandises des pavillons, toujours aidés par des auxiliaires. Pour être fort il faut avoir plus de 21 ans et moins de 30 ans , subir un essai de force qui consiste à transporter au travers des resserres des halles un chargement de pierres de 200kg et surtout être "accepté".
Aux halles le stationnement des voitures d'approvisionnement et de distribution est payant et est affermé à des concessionnaires.
La vente
Les pavillons sont le domaine des mandataires qui travaillent à la commission et ne peuvent vendre pour leur propre compte. Ils ont remplacés en 1896 les facteurs et les commissionnaires. Ils sont répartis en catégories ( viande, volaille et gibier, fruits et légumes, poisson, Beurre et oeufs, Fromages, cresson, champignons). Chaque catégorie dispose d'un nombre fluctuant de "postes" de vente sous les pavillons ou sur les trottoirs. En principe chacun représente une région qu'il doit visiter chaque année, en vérité ils ont des "rabatteurs" en région. Le mandataire verse un cautionnement, l'importance de la surface qui lui est accordée dépend des ventes de l'année précédente.
Les producteurs ( cultivateur, horticulteurs) écoulent leur marchandise personnellement ou par un vendeur ( les dames de la halle) reconnus par l'inspecteur des halles. Certains sont abonnés et ont un emplacement fixe mais les autres doivent accepter celui que leur proposent les forts.
Les regrattiers vont au devant des agriculteurs lorsqu'ils approchent des halles, leur achètent leur marchandise à bas prix et revendent sur le carreau grâce à la complicité des forts.
Les approvisionneurs ne peuvent vendre que sur le carreau et uniquement des fruits et légumes qu'ils ont achetés; en pratique ils vendent à la commission. L'approvisionneur n'existera légalement qu'en 1907 mais avant "on s'arrangeait".
Les négociants et les commissionnaires ont leurs boutiques dans le périmètre des halles mais en dehors des pavillons. Ils profitent simplement de la proximité du marché. Les commissionnaires travaillent normalement à la commission - comme leur nom l'indique- et les négociants achètent et vendent en gros. A l'époque les taux de perte sont importants, surtout dans les fruits et légumes, aussi est il moins risqué d'être à la commission que négociant propriétaire de sa marchandise.
Les acteurs du marché de gros sont donc:
- Des intermédiaires dont la profession est réglementée: les mandataires ( aidés par les forts),
- les producteurs ( ou du moins quelqu'un qui se présente comme tel sur le carreau),
- des commerçants de droit commun: les négociants et les commissionnaires.
La plupart des ventes se font à l'amiable, mais les beaux lots , les arrivages exceptionnels, les cressons et champignons se font à la criée; les mandataires qui assistent à la criée s'entendent généralement sur les prix, les forts assurent la "publicité" des criées .
Les ventes sont assujetties, outre l’octroi, à diverses taxes ( droit d'abri ,droit de place, poids public, balayage, gardien..)
La vente au détail s'effectue à la fois dans les pavillons et sur le carreau. Certains pavillons sont partagés entre gros et détail. Sur le carreau la vente au détail s'effectue après la fin de la vente en gros.
L'année se divise en deux périodes d'horaires différents: du 1er avril au 30 septembre et du 1 Octobre au 31 Mars. Les horaires données plus loin sont les horaires d'"été", les horaires "d'hiver" sont généralement décalés d'une heure.
Plan des pavillons |
Les pavillons
Les pavillons 1 et 2 ( à L'Ouest) ne seront construits qu'en 1936. Durant l'histoire des halles l'occupation des pavillons évolue. Nous nous intéressons ici à celle des années 1900.Pavillon n°3
La partie Sud est celle de la vente en gros effectuée par une cinquantaine de mandataires.
Avant d'être vendues les viandes doivent être pesées à partir de 4h
Les ventes à l'amiable commencent à 5h, elles sont closes à 11 heures.
Les ventes à la criée commencent à 10 h.
Dans la partie Nord on trouve la vente au détail qui ouvre à 4h du matin , la clôture s'effectuant à 17h 30
La moitié du sous-sol est occupé en 1900 par une usine électrique de presque 1000 chevaux
C'est celui de la volaille et du gibier en gros ( c'est à dire au moins 6 pièces pour les poulets, 10 pièces pour les cailles..) . Il y a 86 mandataires pour 42 postes. On vend 21 000 tonnes de volaille et 2000 tonnes de gibier Les ventes commencent à 7h que ce soit à l'amiable ou à la criée. En période de chasse le marché peut se tenir jusqu'à 17 h
La moitié du sous-sol est occupé en 1900 par une usine électrique de presque 1000 chevaux
Pavillon n°4
Le gibier |
Pavilllon n°5
Les cabocheurs travaillent au sous sol. |
La triperie |
Les grilles s'ouvrent à 2 h du matin et le marché commence à 4h, la fermeture à lieu à 19h
Dans le sous-sol du pavillon, à partir de 2h du matin, on travaille les têtes de mouton. Le fraisier s'occupe de la langue et des joues - à destination des charcutiers- puis le cabocheur fend la tête pour en retirer la cervelle -à destination des tripiers
Pavillon n°6
Les fruits et légumes |
Au Nord c'est la triperie de gros à partir de 6 h jusqu'à 9h et l'après-midi de 15 à 17 h. Il n'y a pas de mandataires mais une centaine d’approvisionneurs. La vente se fait par "lots" ( exemple de lots : 2 cervelles de boeuf, 1 mou de boeuf, 1 tête de veau , 3 cœurs de veau, 6 langues de mouton) . On vend 2 millions de lots par an.
Pavillons n°7 et n°8
On vend aussi les couronnes mortuaires au pavillon n°7 |
La vente au détail occupe le n°7, le n°8 est partagé entre la vente en gros et la vente au détail
Le sous sol du n°8 contiennent les vestiaires des forts des halles (carreau forain et marché aux pois et haricots verts)
Pavillons n°9
Arrivée de la marée |
La cuisson des homards |
Les ventes démarrent à 6h30 et se terminent à 10 h.
La partie Nord du n°9 est réservée à la vente au détail des poissons et des huîtres.
Pavillon n°10
Les œufs sont vérifiés à la demande des acheteurs dans les sous sols par des agents de la préfecture de police: les "compteurs mireurs" qui les comptent, vérifient leur grosseur et les mirent en les observant à la flamme
La production française représente 12 000 tonnes et la production étrangère 140 tonnes
La production française représente 12 000 tonnes et la production étrangère 140 tonnes
La vente commence à 6h et se clôt à 11h, La vente à la criée commence à 7h
Pavillon n°11
En sous sol, les resserres de l’assistance publique. Elles ne concernent pas que les hôpitaux Parisiens ,on peut lire sur la photo "Forges les bains" |
La partie Nord du n°11 est destinée à la vente au détail de la volaille et du gibier. L'ouverture se fait à 4 heures et la fermeture à 20 heures
Pavillon n°12
La criée au fromage |
Au Nord Est se trouve la vente d’huîtres en gros. L’huître connait une très grosse consommation de 400 00 centaines par an. C'est de l’huître portugaise, venant du bassin d'Arcachon, qui domine massivement.
Au Sud on a les fromages en gros.
Le carreau forain
Le carreau forain |
Un camion de bananes: une denrée rare |
Carreaux des fruits |
Le marché des fruits du pavillon est plus actif |
Revendeurs de fruits |
- Le cresson au Nord du pavillon 3, en gros le matin puis au détail dès que les grossistes partent (A et A'). Le cresson est une production importante à l'époque.
- Les champignons, les artichauts, les salades au Nord du pavillon 5 (BCD).
- Les marchandises arrivant par chemin de fer et les fruits et asperges au Nord des pavillon 7 et 9 (E,F)
- Le Montreuil ( pèches et poires de Montreuil) au Nord du pavillon 11(G)
- Dans le rue Nord-Sud Baltard on a le "Chambourcy" ( choux fleurs de Poissy, épinards) et les gros légumes non lavés Noisy, Aubervilliers, Gennevilliers ( choux, poireaux, carottes non lavées, pommes de terre de Noisy le Sec, Gennevilliers et Aubervilliers) (J, L)
- dans la rue est Ouest Antoine Caréme on a les fleurs coupées (O)
- Au Sud des pavillon 8 et 10on a le Montesson (légumes lavés) et les Versailles (poireaux, romaines, chicorée, épinards qui provenaient de Versailles mais aussi de Viroflay ou Montreuil) (K et I)
- Autour du pavillon 12 se trouvent les pommes de terre (H)
- Près de St Eustache et dans les rues avoisinantes au Nord se trouvent les jardiniers et les maraîchers.
- le long de St Eustache on a les artichauts puis les fruits rouges ( tomates)
- Le produit des cultures maraîchères sont vendus dans les rue Montmartre, Rambuteau, Turbigo. Ils viennent d'Issy, de Vanves, de Vitry,
- Au Sud et d'Ouest en Est
- Les fleurs coupées (O)
- les primeurs et les fruits "de choix" ( cad venant du midi ) le long de la rue du Pont Neuf (P)
- les pois et haricots verts ( essentiellement amenés par l'Arpajonnais) (M)
- les produits de Thomery ( les fraises sous serre)
- Les plantes médicinales rue de la poterie (N)
- Tout à fait au Sud on a les marchandises que les trains "tardifs" d'Arpajon amènent après 3 h du matin
Les fraudes et la loi de 1896
Les Versailles au coin des rues Baltard et Berger |
Fin de marché rue Baltard |
La "fourrière". Vente des marchandises abandonnées |
La resserre consiste a cacher une partie des stocks pour faire croire aux acheteurs que l'offre est faible.
Le fardage consiste à tromper sur la qualité d'un lot en "apprêtant" sa partie visible.
Jusqu'en 1896 il y avait deux types de vendeurs dans les pavillons pour le gros : les facteurs dont l'activité étaient contrôlée et les commissionnaires qui ne l'étaient pas.
La loi de 1896 est essentiellement destinée à lutter contre la fraude en introduisant un unique intermédiaire "de confiance" entre le producteur et l'acheteur.
La loi de 1896 est essentiellement destinée à lutter contre la fraude en introduisant un unique intermédiaire "de confiance" entre le producteur et l'acheteur.
Avec la création du statut de mandataire ( censés être le représentant des producteurs), on impose que toute vente se fait sur un carnet à 2 volants: le premier destiné à l'acheteur accompagne le lot qui doit être immédiatement sorti du pavillon par les forts qui doivent remettre le volant à l'inspecteur principal, le second est destiné au producteur. Ce système est censé empêcher le regrattage.
Pour éviter que le mandataire n'achète et ne vende pour lui même il lui est aussi interdit d'avoir des magasins à Paris comme à l'étranger ou de s'associer avec des non mandataires.
Si le mandataire "contrôlé" peut seul agir dans les pavillons, les règles du commerce ordinaire s'appliquent sans contrôle sur le carreau ( censé être réservé aux producteurs) ou dans les boutiques avoisinantes.
Pour ajouter à la confusion la loi de 1896 précise aussi qu'à titre transitoire "quelques pavillons seront exceptionnellement réservés pour la vente au détail".
Les ventes fictives ne furent pas vraiment supprimées puisque rien n’empêchait un commissionnaire hors des pavillons d'acheter un lot puis de le revendre le lendemain.
Petit à petit apparut des" représentants vendeurs" écoulant directement la marchandise des expéditeurs et occupant, moyennant finance, une partie des postes des mandataires.
On vit aussi des " répartiteurs", censés représenter des expéditeurs de contrées lointaines , parcourant les pavillons et le quartier et répartissant la marchandise qui lui est confiée entre différents vendeurs.
Les "pieds humides" sont les représentants des maisons de BOF qui font des affaires à proximité des pavillons.
Les "terrassiers" revendent aux terrasses des cafés ce qu'ils ont acheté en gros.
La loi de 96 réglementera les Halles jusqu'à leur départ de Paris. Elle est un parfait exemple d'une réglementation mal conçue - car oubliant de définir ce qu'était vraiment les halles ( les pavillons, le carreau, un quartier, un type de commerce ? )et leur rôle ( marché de gros unique, vente au détail ?) - qui cependant fonctionnera parfaitement car suffisamment ambigue pour permettre des "accommodements".
Au fil des ans les ventes s'effectueront de plus en plus hors du marché réglementé des pavillons, mais celui ci resta une référence pour la fixation des prix.
Au fil des ans les ventes s'effectueront de plus en plus hors du marché réglementé des pavillons, mais celui ci resta une référence pour la fixation des prix.
Sites et références
Le plan du projet de Baltard. |
- Monographie des halles centrales de Paris. Baltard 1863 INHA
- Les halles centrales de paris autrefois et aujourd'hui . Vigneau 1902
- Le monde et la science. Librairis Schwartz tome II vers 1913
- La victoire mécanicienne p 38 Pierre Hamp 1920
- Le mécanisme d'approvisionnement de Paris R Clozier 1937
- Des halles centrales au marché d'intérèt national de Raymond
- Evocation des Halles par un grossiste
- Papy Louis