Il était un palais rose

L'attelage emballé par Choquet devant le Palais Rose 
Le Palais Rose était un hôtel particulier de l'avenue Foch inspiré du grand Trianon et recouvert de marbre rose. C'était le plus somptueux des hôtels de la fin du XIX éme siècle, il contenait la réplique de l'escalier des ambassadeurs de Versailles.
Il avait vu le jour grâce à la rencontre d'un dandy et d'une riche héritière américaine,  il disparut dans la fièvre de  spéculation immobilière des années 70


Boniface de Castellane était un noble plutôt désargenté issu d'une illustre famille de Provence.
En 1894 il rencontre Anna Gould, richissime héritière d'un milliardaire ayant fait fortune dans les chemins de fer américains.
Il n'est pas le seul "à épouser l'Amérique" , le comte de Polignac se mariera avec Winnareta Singer en 1893, mais cela est une autre histoire.
Boni a du gout, ce sera un des dandys de son époque et avec l'argent de sa femme il va pouvoir construire l’hôtel particulier de ses rêves : le Palais Rose.
Quatre millions de francs or plus tard le palais était terminé en 1902 et les réceptions somptueuses,  allant jusqu'à 2000 invités, purent commencer.
Boni était volage et nommait sa chambre conjugale "sa chapelle expiatoire"; il y conçu tout de même quatre enfants. 
En 1906 il est contraint au divorce, laissant le palais inachevé avec pour seule propriétaire  Madame Gould jusqu'à son décès en 1961 .
Boni, subitement sur la paille,  se mettra courageusement à travailler comme courtier d'art et amassera pas mal d'argent. Il égratignera son ancienne femme dans un livre très drôle: "Comment j'ai découvert l'Amérique"

Le Palais rose


Vers 1895 Castellane et son épouse acquiert 6000m2 au 94 (actuel) de l'avenue Foch.
Boni choisit l’architecte Sanson, le plus célèbre bâtisseur d’hôtels particuliers et de châteaux de son époque, Il veut un hôtel inspiré du grand Trianon qui contienne une réplique de l'escalier des Ambassadeurs de Versailles -détruit sous Louis XV-.
Ce programme pose problème à l'architecte car le terrain est irrégulier et  presque plat; si on inclut un escalier monumental les pièces d'apparat  se trouveront au premier étage et n'auront pas d'accès direct au jardin. Sanson trouve la solution  en surélevant le jardin à l'arrière et sur le coté du bâtiment. On entre avenue  Poincaré par l'escalier et on se retrouve dans des pièces d'apparat de plain pied sur le jardin. Ce sont: la galerie arrière, un salon d'angle et le grand  salon des arts inspiré du salon de la guerre de Versailles.
Ce fut vraiment beau et coloré.
Le marbre rose de la façade, auquel le palais doit son nom, palissait et fut changé deux fois. Pour finir et avoir la teinte exacte désirée on peignit des parties en faux marbre sur du vrai.

Le grand escalier, copie de celui des Ambassadeurs autour duquel tout l'intérieur s'organise

Coupe du palais. Coté Avenue Poincaré - à gauche- c'est un bâtiment avec un étage auquel on accède par l'escalier., cotés Avenue Foch, Rue Duret, rue Piccini c'est un faux rez de chaussée  qui donne sur un jardin surélevé par rapport à la rue.
La façade coté escalier sur l'avenue Raymond Poincaré  (avenue de Malakoff à l'époque) avec sa cour d'honneur. Les communs sont en dessous du bâtiment. 
Façade latérale sur l'avenue Foch.
une cour anglaise est dissimulée par le balcon, ce qui permet d'éclairer les pièces  situées en contrebas: un étage des maîtres au niveau du palier intermédiaire de l'escalier et un étage encore en  dessous pour les domestiques..

Plan du palais. L'escalier occupe tout le corps central avec deux  galeries.
Aile  droite -en partant de la cour d'honneur avenue Poincaré en bas du plan - :
Chambre de Madame, Grand salon des arts , salon d'angle. Aile gauche: office, salle à manger théâtre.
La chambre de monsieur est en dessous de celle de Madame, la communication se fait par un escalier qui aboutit dans le petit salon attenant à la chambre. Cet imposant bâtiment n'était conçu que comme un cadre digne des fastueuses réceptions de Boni et ne  disposait que de deux chambres ( hormis celles des domestiques au sous sol bien entendu) mais avait une piscine de marbre blanc.  

Situation du Palais rose. L'avenue Foch s'appelait avenue du bois de Boulogne et l'avenue Raymond Poincaré avenue de Malakoff
Le grand escalier vu vers la salle à manger.
Notez le plafond; Hector d'Hepouy avait réalisé là une copie du plafond détruit  de Lebrun -représentant les cinq continents- de l'escalier des Ambassadeurs 
La cheminée du salon des arts. Le bas relief représente "l'architecture présidant à l'édification de la chapelle de Versailles". Elle est inspirée  du salon de la Guerre de Versailles
Vestibule coté cour d'honneur. La porte vitrée conduit aux appartements de Monsieur, Les deux escaliers latéraux vont aux communs
A gauche, dans le salon ovale de la  collection Frick, le portrait de Nicolaes Ruts
Castellane acheta aussi les plus beaux tableaux et les plus beaux meubles. On y voyait "Le portrait de Nicolaes Ruts"  de Rembrandt, des toiles de Van Dyck, Reynolds, Gainsborough. Si le coeur vous en dit,  vous pourrez les admirer au Met et à la collection Frick  à New York..
Parmi les meubles il y avait une console de marbre bleu décorée de bronzes de Gouthière, et des armoires de Cressent

Décadence du palais

Le divorce en 1906
La famille de Mme Gould s’inquiéta des dépenses du couple, tant pour des fêtes que pour des constructions (en plus du Palais Rose il y avait deux chateaux et un yacht). Ce fut le divorce  Boni partit alors que le palais était inachevé. Mme Gould fit gratter son chiffre et se remaria avec Helie de Talleyrand Perigord dont les armoiries remplacèrent bientôt celles des Castellane.
En 1939 Madame était veuve et repartait aux Etats Unis.
De 1940 à 1944 ce fut la demeure du général commandant le "Gross Paris"
Quand Madame mourut en 1962 ses héritiers vendirent le palais. Malraux était ministre mais ne s’inquiéta pas de ce bâtiment dont   le classement fut refusé " en raison de son absence de valeur archéologique".
Il faut avouer que ce n'est pas le seul hôtel particulier à avoir succombé à la fièvre des promoteurs de années 60 ( et suivantes), mais ... c'était le plus beau.

Sites et références

Maquette pour l'exposition "l'hôtel particulier..." en 2011.
Il existe deux autres "Palais rose", l'un près du musée Marmottan et l'autre au Vésinet.
  • Le Palais Rose. Wikipedia 
  • Blog Boni de Castellane
  • Sous les toits de Paris ( en particulier pour une bibliographie complète )
  • Les palais parisiens de la belle époque. Roussel Charny  1990
  • Les hôtels particuliers de Paris. Gady 2011
  • Les maquettes du Palais rose. Sylvain le Stum 
  • Boni de Castellane. Mension Rigau  
  • L'architecte 1906 n°1 et 3 ( planches sur le Palais Rose) 
  • Gazette des beaux arts 1898 2 ème semestre  p 355 et 457 ( exposition Rembrandt à Amsterdam ou le portrait de Nicolaes Ruts est prêté par les Castellane) 
  • Les belles façades du XVI e arrondissement. 1902 
  • Je sais tout 1906 ( divorce des Castellane)
  • Comment j'ai découvert l'Amérique. Boni de Castellane. Grès 1924
  • De l'art d'être pauvre. Boni de Castellane. 1926
  • Portraits de Boni à sa mort en 1932


L'escalier des Ambassadeurs de Versailles

Ce tableau de Gérôme représente la réception du grand Condé sur l'escalier des Ambassadeurs.
En haut des marches Louis XIV avec à ses cotés le Grand Dauphin et juste derrière Bossuet.
Les spectateurs du premier étage ne sont que des trompe-l’œil. Le tableau de Gérôme montre des courtisans alors qu'il s'agissait des représentants de toutes les parties du monde regardant par dessus une balustrade couverte d'un tapis à fleurs d'or.
Ne manquez pas la restitution 3D de l'escalier proposé par le Louvre.
L'escalier est un projet de Le Vau, décoré par Le Brun et détruit sous Louis XV.
Au centre le buste de Louis XIV par Coysevox avec en dessous une niche avec un groupe représentant un centaure marin enlevant un silène au dessus d'une cascade tombant dans une vasque de marbre.
 L'escalier a connu plusieurs répliques dont celles du Palais d'Egmont en Belgique et celle de Louis II de Baviére à Herrenchiemsee
Plafond de l'escalier des Ambassadeurs représentant les quatre parties du monde et les vertus de Louis XIV.
L'éclairage est zénithal par une verrière située à la place du motif central de la gravure.
Plan de situation de l'escalier.
L'escalier est précédé d'un vestibule voûté. Il menait au salon de Diane et au salon de Vénus,  principale entrée des grands appartements.

Les deux escaliers de Herrenchiemsee

Louis II voulut construire un petit Versailles Bavarois. La façade est la même, il y a une galerie des glaces, un salon de la guerre,...  et deux escaliers des Ambassadeurs.

L'escalier Sud.
La verrière est la seule inexactitude mais l'escalier n'a peut être pas été complétement terminé.
L'escalier Nord
Seul le gros œuvre a été achevé 

Lakewood, l'autre palais des Gould

Jay Gould, homme d'affaires peu scrupuleux ( "a robber baron") bâtit un empire dans le chemin de fer.
Il eut trois enfants, sa fille Anna consacra une partie de ses 15 millions de dollars à l'édification du Palais Rose mais son fils aîné, George, était le principal héritier et il construisit lui aussi un palais dans le New Jersey.
Il acheta un vaste terrain en 1896  et l 'architecte Bruce Price édifia un édifice dans un style Georgien. comprenant piscine, bowling, manège, salle de gymnastique, squash et terrain de polo mais avec  plein de références architecturales françaises. Le propriétaire avait aussi accumulé les œuvres d'art : Rembrandt, Corot, Reynolds, Millet, Meissonier ... ainsi que les inévitables portraits de la maîtresse de maison par Chartran et Carolus Duran. Le palais est aujourd'hui le siège de la "Georgian Court University".
Vue générale du bâtiment
Intérieur de Lakewood Jardin à la française  Bassin d'Apollon