Le musée des monuments français d'Alexandre Lenoir

"La destruction des monuments des arts fut la suite nécessaire des désordres politiques ". En 1791, Lenoir, artiste puis écrivain, est nommé à la tête du dépôt du couvent des Petits-Augustins (2),  qui depuis plusieurs mois est utilisé pour déposer les monuments récoltés un peu partout suite à la suppression des établissements religieux. Quatre ans plus tard, Lenoir ouvre le couvent au public : il deviendra alors pendant vingt ans le Musée des Monuments Français.
En ces temps troublés la notion même de musée est une nouveauté. Lenoir  veut le sien surtout pédagogique, montrant que les progrès de l'art français suivent ceux de la civilisation, Pour illustrer son propos il n'hésite pas à créer des monuments complets à partir de fragments divers. 
Le musée est surtout consacré aux monuments des rois et des nobles, en contrepoint  Lenoir crée un  jardin, l’Élysée, qu'il va parsemer de tombeaux d'artistes, d'hommes et de femmes célèbres pour lesquels il va parfois   carrément "inventer" des monuments.
Ce musée éphémère eut une influence extraordinaire  sur le développement du gout artistique pour les monuments anciens. Il s'agissait pour beaucoup de débris de bâtiments détruits et on s'est pris  à regretter qu'ils aient disparu du paysage:  le quart des églises et toutes les abbayes et couvents  parisiens, Cluny, Anet, Gaillon, la cathédrale de Cambrai,... (3)


Plan du musée (situé sur l'actuel emplacement de l'école des Beaux Arts (1))
En I la cour du cloitre,en  II la cour du XVIe siècle, en III la cour du XVe siècle,en IV la cour du XIVe siècle.
En V la salle d'introduction avec la rotonde du tombeau de François 1er, en VI la salle du XIIIe siècle, en VII la salle du XIVe siècle, en VIII la salle du XVe siècle, en IX la salle du XVIe siècle, en  X la salles du XVIIe (et XVIIIe) siècle, en XV l’Élysée.

  • Introduction
  • Le musée
  • L’Élysée
  • La conception de l'art français de Lenoir
  • Sites et références
La salle d'introduction avant 1801
le musée fut d'abord un dépôt où on entassait les monuments

La salle d'introduction
Tombeau de Diane de Poitiers, cariatides de la chasse de St Geneviève,
Derrière on aperçoit à gauche  la cheminée du château de Villeroy et à droite la colonne torse d'Henri III.
. Au fond le tombeau de Mazarin.
Entrée de la salle d'introduction.
Au fond le tombeau "recomposé" de Blanche de Castille.
Le gisant vient de Maubuisson, l'autel de St Denis ainsi que le tympan orné d'une vierge.
A droite le relief du tombeau de d'Anne-Marie Martinozzi par Girardon
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Salle du XIIIe siècle
Tombeau de Louis de France accompagné  de son frère Jean ( fils de St Louis)
Salle du XIIIe siècle par Charles Marie Bouton.
Charles de Valois à droite, Philippe de Clermont à gauche.
Le vitrail  vient du réfectoire de St Germain des Prés

Tombeau des enfants de Louis IX
Salle du XIII e siécle avec "la folie de Charles VI".
Bouton peindra une autre version de ce tableau avec un moine.
Il sera avec Daguerre l'inventeur du diorama.en 1822.

Apôtres de la sainte Chapelle à l'entrée de la salle du XIVe siècle
La salle du XIVe siècle
Tombeau de Charles V et Jeanne de Bourbon.
20 statues de personnages célèbres (Philippe le Bel, Duguesclin,...) dans les arcades.

La salle du XVe Siècle
Tombeau de Louis d'Orléans,  colonnes de St Pierre de Chartres
La salle du XV e siècle
Gisant de Louis XII
Tombeau de Louis XII et Anne de Bretagne
(ces monuments sont du XVI e siècle)
Salle du XVIe siècle ( image de synthèse du projet 3D de restitution du musée). Au premier plan le gisant de François 1er
Au fond à gauche le tombeau de Philippe Chabot, au centre monument à Jean Goujon: médaillon encadré de la guerre et la paix et en dessous bas relief nymphes et triton
Tombeau "recomposé" de Philippe Chabot tel qu'il apparaissait dans le musée
Il était auparavant dans l'église des Célestins ou se trouvaient aussi les tombeaux remarquables d'Henri Chabot, de Léon Potier, de Louis Potier, de Marguerite de Luxembourg, de Jean Zamet, de la Trémouiille,.de Renée d'Orléans Longueville,.
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Aujourd'hui au Louvre il y a le gisant de l'amiral, la petite statue couchée et les deux statues latérales.absentes de la composition de Lenoir.
État initial  du  tombeau de Philippe Chabot aux Célestins dans "Antiquités nationales" de Millin.
La petite statue couchée en dessous de l'amiral est signalée comme étant " en reconnaissance à un fidèle domestique" alors qu'elle est "La Fortune" dans l'inventaire actuel du Louvre.
Millin  veut décrire  dans son ouvrage inachevé  les monuments remarquables au moment  (1790-1798) ou la révolution en détruit un bon nombre et ou Lenoir récupère les débris de certains.
La première gravure du tombeau de Philippe Chabot est dans la collection Gaignères.
Ce dernier présenta, sans succès, à Louis XIV le premier projet de conservation des monuments français. Il laissa une importante collection de manuscrits et de dessins.
Le vandalisme  à l'égard des monuments "démodés"(en particulier tous ceux du moyen-age), était déjà très actif à l'époque. Plus le propriétaire était riche, plus le monument était menacé de "rénovation" ou de démolition.

La salle du XVIe siècle
Au premier plan l'urne du cœur de François 1er , derrière, son gisant posé sur un socle de marbre noir avec des bas reliefs de la bataille de Marignan..
A gauche statue David par Francavilla de puis statue d'Henri IV. Au fond colonne du cœur de François II, à droite la duchesse de Retz priant ( identifiée comme Claude Catherine de Clermont-Tonnerre par Lenoir) sur 4 colonnes venant de St Landry et un bas relief de Germain Pilon.
La salle du XVIIe siècle
Henri IV, Corneille, Pascal.
La salle du XVIIe siècle
A gauche monument de Jacques de Souvré-Courtenvaux, au fond statue de Mme Lebrun ( la mère du peintre)
La salle du XVIIe siècle
A droite monument à Charles Lebrun avec à sa base la piété et la peinture.
A gauche Louis XIV en empereur romain..
Salle du XVII e siècle. Les deux élégantes contemplent la statue d'Henri IV.Derrière le monument de Michel le Tellier.,
à droite la réduction de la statue de Louis XIV place Vendôme
Les galeries du cloitre
Le jardin de l'Elysée.
Au centre colonne triomphale ornée des bas reliefs de la statue de la place des victoires et surmontée de "l'abondance procure la paix"
A droite Gaspard de Coligny, au fond Descartes,...
La fontaine reconstituée de Diane de Poitiers
La fontaine dite de Pomponne de Bellièvre
"Au-dessous du sarcophage de Jacques-Auguste de Thou, on voit un reste du monument élevé par Lenoir à Pomponne de Bellièvre, dont le buste a été depuis transporté à Versailles .. Quant aux éléments de la décoration du mausolée composé par Lenoir, ils avaient été tirés de l'hôtel d'O"
Le tombeau "inventé"d'Héloïse et Abélard
Disposition originelle du tombeau d'Abélard d'après Lenoir
Tombeau de Dagobert à l'Elysée

Alexandre Lenoir est né  en 1761, il fut élève du peintre Doyen. Le 5 octobre 1790  est créé un "dépôt de statues, marbres et matières métalliques en provenance des fondations religieuses interdites" dont Doyen est le gardien et Lenoir son adjoint.. Doyen émigre et Lenoir devient gardien du dépôt le 6 juin 1791.
Le 21 octobre 1795 il reçoit l'autorisation de transformer ce dépôt en musée, ce sera le Musée des Monuments Français, ouvert au public.que Napoléon visitera en décembre 1800. Lenoir  va s'employer à rassembler le plus grand nombre possible de pièces. Les salles vont s'installer autour du cloitre de l'ancien couvent des Petits Augustins. La chapelle devient la "salle d’introduction" du musée et chacune des autres salles  est consacrée à un siècle du XIIIe au XVIIe siècle.
L'Assemblée Nationale prescrivait de conserver les dépouilles des hommes célèbres de  la Nation.  Dans le jardin, qu'il nomme Élysée, il place les tombeaux et parfois aussi les dépouilles des hommes illustres comme Descartes, La Fontaine, Molière, Turenne etc.
Au fil des régimes le musée sera renommé "musée impérial" pour redevenir  "musée royal" à la restauration (4)

La fin du musée
Lous XVIII fermera ce "musée révolutionnaire"  en 1816 et attribuera les bâtiments à l'école des Beaux Arts. La plupart des œuvres revinrent alors dans leurs lieux d'origine  ou prirent le chemin du Louvre ou de Cluny. Lenoir va être nommé administrateur de l'église royale de St Denis et réinstallera dans l'église les mausolées de son  ancien musée.
Dans l'école des Beaux Arts va alors se constituer un musée de copies des œuvres les plus marquantes de l'histoire de l'art mais on laissera dans le jardin et sur les façades des débris du musée de Lenoir.(façade d'Anet, arc de Gaillon, arcades de l’hôtel de Torpanne,..). La chapelle devint le musée de la Renaissance et du moyen age et la cour du cloitre, réduite par la construction de deux amphithéâtres de dessin, la cour du murier.

Les musées similaires
La notion même de musée ouvert au public était une idée très récente. Le British Muséum fut créé en 1753 à la suite d'une loterie gouvernementale qui permit  d'acquérir la collection de Hans Sloane et de l'installer dans la Montagu House de Bloomsburry (5). Jusqu’en 1805 il fallait faire une demande écrite pour le visiter et il ne recevait en 1810 que 120 visiteurs par jour. Le Louvre, transformé en "Muséum Français" en 1793, eut beaucoup plus de succès 

L’Angleterre avait au début du XIXe siècle  deux musées privés d'architecture: celui de l' académie d'architecture de l'architecte John Soane et une collection médiévale de Lewis Nockalls Cottingham. Ces musées mélangent copies et moulages. Le John Soane museum existe toujours.
Viollet le Duc avait l'idée d'un musée de sculpture  ou on trouverait des moulages des monuments depuis l'antiquité jusqu'à l'époque moderne. Ce fut le "musée de sculpture comparée" du Palais de Chaillot , ouvert en 1882,  qui deviendra plus tard le "musée des  monuments français".
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  1.  Pour l'essentiel les bâtiments existent toujours. L’hôtel de Juigné accueillait le ministère de la police (et son jardin empiétait sur l’Élysée), il sera rasé en 1845 et Duban y construira l'actuel bâtiment qui abrite la salle de Melpomène. L’hôtel de Bouillon deviendra l'hôtel de Chimay et sera incorporé aux Beaux Arts en 1887. 
  2. Le dépôt des Augustins recevra essentiellement les œuvres des institutions religieuses alors que le dépôt de l’hôtel de Nesle, rue de Beaune, recevait les œuvres confisquées aux émigrés
  3. Le vandalisme sur les bâtiments "moyenâgeux" ou  passés de mode, avait commencé bien avant la révolution. Le château de Madrid fut condamné sous Louis XIV, une ordonnance de Louis XVI ordonnait " La vente ou la démolition des châteaux de la Muette, Vincennes et Blois". Tous les monuments "anciens" étaient donc en sursis.
    La révolution détruisit beaucoup de châteaux, Gaillon, Madrid et Anet par exemple, et les cathédrales de Cambrai, d'Arras, de Boulogne, d'Avranches, de Macon, de Tulle (à moitié), Saint Pierre de Cluny (la plus vaste et la plus complète des basiliques romanes), Saint Martin de Tours, Saint Martial de Limoges, les églises de Charroux, de Déols, de Saint Lucien près de Beauvais, Saint Nicaise de Reims, Les églises abbatiales de Jumièges, Saint Wandrille, Saint Bertin à St Omer, Saint Aubin à Angers, Saint Jean des Vignes à Soissons. A Paris les paroisses furent réduites des 2/3....
    Il faudra attendre 1834 pour que se créé le comité historique des arts et des monuments, 1840 pour la publication de la première liste des monuments historiques  et 1887 pour une première loi de protection des monuments historiques (l'actuelle étant de 1913)
  4. Le Louvre sera nommé successivement Muséum français ( 1792), Musée de la République (1793), Muséum des arts (1793) , Musée central des arts (1797), musée Napoléon (1800), musée royal du Louvre (1816).
  5. le bâtiment, situé à l'emplacement du musée actuel,  était une ancienne ambassade de France

Le musée 

L'inventaire comporte 253 numéros en 1793, 555 numéros en l'an X et 567 numéros.  sous l'Empire (les 3 derniers numéros étant  des sculptures contemporaines)

Le visiteur entrait dans l'ancienne église du couvent, transformée en salle d'introduction, ou étaient rassemblés des mausolées  des rois de France et des tombes de ministres illustres - Richelieu, Mazarin, Colbert-.. Il traversait ensuite six salles, chacune consacrée à un siècle et avec un décor approprié. La lumière, rare au début de la visite, allait en s’accroissant au fur et à mesure du parcours.
ll y avait en outre 3 cours, également divisées en siècles, chacune possédant une façade reconstituée.et un jardin, l’Élysée, ou se trouvait les monuments des hommes célèbres de la nation..

Pour achever son musée, Lenoir espérait aménager la salle du XVIIIe siècle, finir la décoration de la porte extérieure et l'aménagement des trois cours. Il souhaitait aussi récupérer les débris de la cathédrale de Cambrai et les chapiteaux de l'abbaye de Cluny pour créer une salle du XI e siècle.

La description qui suit va plutôt être une énumération  fastidieuse montrant la richesse du musée (et l'ampleur des destructions de monuments durant la révolution)

Salle d'introduction 
 On y entre par  la première cour en franchissant  le portail du château d'Anet  par Jean Goujon (toujours aujourd’hui dans la cour des Beaux Arts) et on se retrouve dans l'ancienne église du couvent  face au tombeau de Diane de Poitiers.
La salle est  réaménagée en 1801 quand le musée prend son aspect définitif.
L'éclairage est assuré par de vitraux  peints par Pinaigrier représentant la vie de St Paul
On y trouve des autels gaulois (provenant de fouilles de Notre dame), les statues de Clovis et de Clothilde, le mausolée de diane de Poitiers ( reconstitué) , Les tombeaux du chancelier Birague, de Gaspard de Coligny , de  Mazarin les statues de Louis XI, de Louis XIII, de Louis XIV et d'Anne d'Autriche (monument du Pont au Change), les mausolées  de Michel de l'Hospital, de Richelieu. les bas reliefs de l'ancienne façade du Louvre.
Le sol est couvert d'inscriptions remarquables ( poèmes ou épitaphes)
Salle du monument de François 1er
 Dans une chapelle s'ouvrant sur la salle précédente par une grille ornée de quatre bas reliefs se trouve le tombeau  de François 1er et de Claude de France "seize colonnes d'ordre ionique soutiennent une voute ornée de sculptures de Germain Pilon"(3).
L'éclairage est assuré par des vitraux en grisaille de Jean Cousin exécutés pour la chapelle d'Anet.

XIIIe iècle
C'est l'ancienne sacristie.

Elle est éclairée par trois vitraux de Pierre de Montreau (de Montreuil) de  "peintures grossières ... aux couleurs vigoureuses"
La salle  présente les cénotaphes de Clovis II, Charles Martel, Pepin et Berthe, Carloman,, d'Eudes, d'Hugues Capet , Robert le Pieux, Philippe de France, Louis de France, Philippe le Hardi. les statues de Pierre d'Alençon, de Charles de France, la chapelle sépulcrale de la Reine Blanche.
Il y a aussi une statue d’Adam, plusieurs vierges et un bas relief de l'annonciation
XIVe  siècle

Ce siècle est pour Lenoir celui de l'art "sarrasin" ramené par les croisés, c'est à dire pour nous de l'art gothique.

La décoration de la salle est faite avec des débris provenant de la Sainte Chapelle dont des statues d’apôtres.
Six grandes croisées l'éclaire, elles représentent des sujets du martyrologue ou du nouveau testament, elles sont "de la plus grande beauté pour la vérité et l'éclat des couleurs... mais d'exécution à peu près semblable à celles du siècle précédent"
On y trouve vingt statues "des personnages les plus célèbres revêtus de leur costume militaire", neuf bas reliefs représentant des sujets religieux.
Il y a les  statues de Marguerite (de l'église des jacobins),de Philippe le Bel, de Louis le Hutin et du petit roi Jean, de Louis de France, de Blanche la jeune, de Philippe V, de Charles d’Alençon, de Charles IV, de Guillaume de Chanac,de Charles d'Estampes, de Jeanne de Navarre, de Philippe VI, de Jean le Bon, de marie d'Espagne, de Jean de Dormans, de Blanchet de Jeanne de Bourbon, de Duguesclin, de Charles V, de Marguerite de Flandre, de Béatrix de Bourbon, de Sainte Geneviève, de Blanche de France, de Pierre d'Orgemont, de Léon de Lusignan, de Blanche de Valois, de Marie de Bourbon, les bustes de Nicolas de Braque et de Jeanne la Bouteillère.
Un grand bas relief représente les douze apôtres et un poteau représentant un pommier pillé par des singes venant d'une maison de la rue St Honoré.
XVe siècle
Ce siècle est "le plus remarquable pour l'histoire de l'art", la salle contient des débris du château de Gaillon et un jubé de l'église Saint Pierre de Chartres.
Les quatre croisées bénéficient "de l'introduction de l'art du clair-obscur dans les peintures sur verre ... leur dessin est plus correct, les expressions plus vraies".
Cette salle, qui contient le tombeau en marbre de Louis d’Orléans, a reçu une décoration , dans le goût de l’époque qu’elle représente : fonds violet et bleu, encadrements dorés, légende carminée, colonnes ornées de chapiteaux et de piédestaux arabesques provenant d’un portique de l’église Saint-Pierre de Chartres…
On a les statues de louis de France, de Valentine de Milan,de Pierre de Navarre, de Catherine d’Alençon, des enfants de louis d'Orléans, de Charles VI, de Juvenel des Ursins, de Jeanne de Bourgogne, d'Isabelle de Bavière .
Les bustes de Jeanne d'Arc, de Charles VII, de Marie d'Anjou, de Guillaume du Chastel,. deux colonnes triomphales, .
Un monument en bois provenant de la chapelle d'Amboise..
Des bas reliefs, l'un de la sainte famille et l'autre d'une réparation publique suite à l’assassinat de deux augustins
XVIe siècle
Si au XVe siècle Rome se couvrit de monuments magnifiques ce n'est que sous François 1er que "la France se montra la rivale de Rome".
Les trois  premières  croisées sont de Jean Cousin, deux   représentent l’apocalypse et la troisième   François 1er, on a  ensuite un Christ couronné d'épines d’après Durer  et un tableau en grisaille d'après le Primatice représentant la circoncision.
On y trouve  le tombeau de Louis XII et d’Anne de Bretagne, le gisant de François 1er, Jeanne de Vivonne et les débris du monument de Chabot , les plafonds sont décorés d’arabesques, de salamandres, de chiffres enlacés et de devises..
Dans la première cour on a le portail d'Anet et les façades de la seconde sont recouvertes des débris du château de Gaillon
XVIIe siècle ( et XVIIIe siècle)

"Dans le siècle brillant de Louis XIV... la dégradation qui eut lieu dans la peinture, la sculpture , comme dans l'architecture est frappante". Lenoir ne pardonne pas à Lebrun d'avoir "standardisé" les arts.
Comme Lenoir n'a pas  obtenu les fonds pour une salle du XVIII e siècle il fait coexister dans la même salle des œuvres  du temps de Louis XIV et des sculptures contemporaines.
Les verrières sont d'Eustache Lesueur peintes en grisaille par François Perrin.
Les statues représentent: le cardinal de Berulle, Philippe de Castille,Charlotte-Catherine de la Tremouille, Raymond Philippeaux, O Rourke Cousen, La Rochefoucault, Henri de Silly, Louis XIV (en empereur romain par Auguier), quatre statues d'artistes de 30 pouces, Guillaume Dubois, Louis XV ( également à la romaine), du peuple français (Lortha)
Les médaillons de Descartes, de Jules Hardouin Mansard, de Jacques de Sirmond, de François de Chevert
Les mausolées de Richelieu, de la famille de Gèvres
Les tombeaux de Jean Casimir ( le roi de Pologne)
Un groupe de Letellier (Girardon), celui de Louis XIV foulant la fronde aux pieds, l'obélisque de Longueville, la descente de croix du tombeau de la femme de Girardon

Les monuments de  Henri de Bourbon Condé, de Jacques de Souvré-Courtenvaux , de la mère de Lebrun, de la Force (par Girardon), de Colbert, d'Henri de Lorraine, du comte de Caylus, de Charles de Créqui, des frères Anguier, de Languet de Cergy, du comte d'Harcourt, de Maupertuis, de Crebillon,de Pierre Mignard, de Jean Drouais, de jean baptiste Britard, de Caylus (Vassé), de Dubuisson
Les bas reliefs de l'immortalité d'après le Bernin, de Louis de Marillac, de la bataille de Kochesberg, de Pierre Biard, de la justice avec le comte d'Offemont, de Madame de Lauragais (Bouchardon), de la paix de Lunéville (monument républicain par Francou), de Trévellec
Les bustes de Bellièvre, de Pierre-Sylvain Régis, de Médéric Barbezières, de Dépréaux, de Pierre Séguier , de Frédéric Woldemar, Lepaultre, Maurice de Saxe, Winckelmann, d'Alexis Piron, de Voltaire, de Malesherbes,de Montalembert, de Bailly, de Dewailly, de Latouche Tréville, d'Orcan, du comte de Fourcroy
Les galeries
Les galeries autour du cloitre recueillent les œuvres que Lenoir n'a pu placer dans les salles 

Il y a en particulier des vitraux: le premier  montre Ste Geneviéve, on a ensuite l'adoration des mages, puis un religieux à genoux, une descente de croix par Jean Cousin, le martyr de St Étienne par Bernard de Palissy ... les plus remarquables sont ceux de l'histoire de Psyché et Cupidon d'après Raphaël venant du château d'Ecouen.
Les cours
La première contient les débris du château d'Anet, la seconde a les quatre façades du château de Gaillion, la troisième cour est orné d'éléments d'une basilique de Pierre de Montreuil pour Louis IX

Jardin de l’Élysée

Le musée est consacré aux monuments des rois, le jardin va l'être aux artistes et hommes célèbres considérés comme généralement opprimés par les rois. Le musée a une présentation  chronologique, le jardin prétend  à la seule rêverie
Lenoir prend bien soin dans sa description de préciser que le Tartare et l’Élysée ne sont que des lieux chimériques et que l'emploi de ces termes n'est qu'une convention et ne présume en rien d'une croyance en un au delà.
Il va parsemer le jardin de quarante fabriques. On y verra Molière, Racine, Descartes, Mabillon, Montfaucon, Boileau
Lenoir "invente" le tombeau d'Abélard et Héloïse en construisant une chapelle avec les débris de celle du Paraclet (le couvent d'Héloïse), le gisant d'Abélard et celui d'une femme "sculptée en ce tems-là".
De même il fait achever le tombeau de Crebillon, réaliser ceux de Descartes, de Molière, de la Fontaine, de Mabillon.
Il y a aussi une colonne triomphale avec à son soubassement les quatre bas reliefs de la place des Victoires

La conception de l'art français de Lenoir  

"L’histoire de l'art chez un peuple est nécessairement liée à l'histoire politique de ce même peuple", c'est cette thèse que Lenoir défend dans son "histoire des arts en France"
L'auteur  est d'abord un peu gêné par nos rudes ancêtres gaulois.dont il note cependant qu'ils furent "plusieurs fois vainqueurs des romains"  et même "présents en Asie avant la conquête de Jules César" ce que prouve une "Vénus gauloise découverte dans le Morbihan d'influence égyptienne" (la Vénus de Quinipily).. Leur art est plutôt fruste comparé aux monuments grecs et romains.dont le musée comporte à l'origine quelques exemples  (qui seront sous l'Empire transportés au musée Napoléon ( le Louvre)).)
Sous les Francs le pays "troublé fut longtemps sans arts". Les statues de Clovis et de la reine Clothilde (n°9 du musée) sont d'un style oriental "ce qui nous autoriserait à croire que le Francs n'avaient pas de sculpteurs chez eux". "La première race ne présente qu'un mélange incorrect de style romain dégénéré liè au gout barbare".
Brièvement Charlemagne, "ami des sciences et des arts", "introduit dans ses états le style de l'architecture lombarde" mais dans les temps troublés qui suivent" les artistes se réfugièrent dans les cloitres".
"Ce ne fut que vers le XIII e siècle que "les arts et les sciences commencèrent à sortir de leur léthargie". C'est aux croisés que nous devons "l'architecture syrienne improprement appelée gothique"(1)

"Van Eyck découvrit en 1390 la peinture à l'huile" et Charles VI fonde l'académie de St Luc
"Le quinzième siècle fut pour l'Italie la plus belle époque de l'art comme le seizième le fut pour la France". "Les monuments français n'ont alors ni l'élégance de l'architecture arabe ni la pureté des monuments romains", ce qui est prouvé par le tombeau de Louis XII ou les portiques et colonnades du château de Gaillon.
François 1er "mis la dernière main à l'enseignement de Beaux Arts" et Jean Cousin (2)  fut "surnommé le Michel Ange français ".. Jean Goujon est le meilleur sculpteur alors que Germain Pilon est un "servil imitateur du style du Primatice".
"Pierre Lescot, Philibert de Lorme et Jean Bullant établirent des règles nouvelles en architecture".
Henri IV "augmenta considérablement les embellissements de Paris" alors que Marie de Médicis trouva dans les arts un délassement propre à flatter son orgueil".
Louis XIV (et surtout Colbert)  "institua des académies, éleva des manufactures" et "l’abondance coula à grands flots "  malheureusement tous voulurent imiter Charles Lebrun. Dans les arts du dessin Simon Vouet   "avait préparé cette décadence" en introduisant "un art de peinture heurté tellement facile et de convention", ce fut "l'entier abandon du beau idéal et de l'étude de la belle nature".

Écrivant sous Napoléon, Lenoir note que "les arts dépendant du dessin n'ont pris un véritable accroissement que dans les empires"et que "ce siècle a déjà dépassé les autres siècles dont la France s'honore"

Les arts "résultats du génie et de l’étude" se divisent en deux genres: l'invention et l'imitation. "L'invention est le résultat du génie et l'imitation celui de l'étude"
L'architecture "appartient plus aux sciences exactes qu'aux arts libéraux", "l'architecte invente et n'imite pas"
La peinture doit être divisée en camaïeu et celle "imitant le relief". "Le but principal du peintre est d'imiter la nature". On distingue: la conception   (composition), le dessin, l'art de distribuer la lumière et celui de poser les couleurs.
La sculpture se compose de l'art du dessin  et de celui de modeler,
"Les arts et les sciences ont des rapports directs". Les principes généraux sont les mêmes quelque soit l'art concerné.
L'artiste tire l'idée de son œuvre "dans la vie sociale ou dans les fastes de la nation". Le poète "met les passions en mouvement" et trace des tableaux avec lesquels rivalise le peintre d'histoire.
Le sculpteur n’emprunte rien du peintre, seuls le guide "la poésie, l'art du dessin et la nature".
Le musicien est soutenu par la poésie, il maitrise les sens de ses auditeurs en leur faisant éprouver ses propres sensations.
La mémoire et l'imagination sont les qualités essentielles de l'artiste , il saisit "ce qui se passe dans le monde pour le reporter dans un cadre plus resserré".
La fougue de l'imagination "emporte souvent le prix sur la modeste raison"  , ainsi en est il pour Jules Romain ou pour Rubens. "Le beau et le vraisemblable sont les seuls admissibles" dans la production des beaux-arts, l'imagination doit donc se plier à la raison, il en est ainsi pour Raphaël, Poussin, Homère ou Appelles.  

  1.  "Les goths se sont plus occupés de ravager les diverses provinces que de l’étude de l'architecture"; "les croisés ont imité la construction des temples que leur valeur restitua au culte" chrétien.
  2. Lenoir semble confondre le père et le fils tous deux prénommés Jean.
  3. A la restauration c'est toujours Lenoir qui assurera le remontage du monument à St Denis

Sites et références

L'arc de Gaillon (voir l'article qui lui est consacré)
Joan Soan museum Sepulchral chamber
Lenoir empêchant les révolutionnaires de détruire les tombeaux des rois en 1793.
Lenoir ira en 1800 à Cluny pour enquêter sur le mausolée du cardinal de Bouillon. Il sera scandalisé par la destruction de l'église mais ses protestations seront sans effet.