Londres à la conquête de sa banlieue Cruikshank 1829 |
En 1850 Paris atteint 1 million d'habitants, Londres 2 400 000 Paris est une ville close ignorant sa banlieue, Londres est une ville ouverte.
Paris a été rénovée par un homme -Hausmann- , Londres a été rénovée par le feu - le grand incendie de 1666-.
Les grands espaces verts de Paris intra-muros étaient ceux des établissements religieux (l' enclos St Lazare s'étendait sur 60 hectares alors que les Tuileries ne font que 26 hectares) et ils ont été détruits comme les domaines seigneuriaux de la banlieue par la spéculation qui suivit la révolution, les grands espaces verts de Londres étaient ceux des domaines seigneuriaux et ils ont été pour certains conservés
Londres dépasse Paris en population dans la seconde moitié du XVIII éme siècle (1700: égalité 500 000 habitants environ 1800: 550 000, 850 000, à la même époque Istanbul est probablement aussi peuplé que Londres)
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Voyons les détails
Deux cartes de 1850 de Londres et de Paris. |
Histoire de Londres
Sous les romains c'est déjà la principale place de commerce de Grande Bretagne.
Guillaume le conquérant lui accorda une charte tout en construisant la White Tower pour tenir la ville en respect. Henri III, puis Richard II tentèrent de priver Londres de sa charte mais à force de sacrifices financiers Londres conserva son autonomie avec son Lord maire et ses conseillers élus.
Le règne d'Elizabeth est celui de la grande prospérité de Londres.
Le grand incendie de 1666 dévora plus de 13000 maisons, la cathédrale St Paul ainsi que 86 autres églises.mais fit seulement 6 victimes.
Il y eut par contre 100 000 victimes lors de la peste de 1348, 300 00 en 1407 , .... jusqu'à la grande peste de 1666 qui fit 68 000 victimes.
Le Stock Exchange est créé en 1773. Les activités commerciales et financières sont alors étroitement liées. Londres détrône Amsterdam comme première place financière mondiale à la faveur des guerres napoléoniennes.
Dans un autre ordre d'idée le Royal Navy Hospital de Plymouth avec ses pavillons parallèles devient le modèle des hôpitaux de la capitale anglaise alors qu'à Paris l’hôtel Dieu en est encore au moyen age.
Dés 1815 des machines à vapeur aménent l'eau dans les maisons et les water closets se multiplient connectés directement à l'égout. Ceux ci se déversent tous dans la Tamise et l'épidémie de choléra de 1832 entraîne une prise de conscience qui se traduira après 1850 par la construction de collecteurs latéraux à la Tamise avec un épandage pour l'utilisation agricole et un débouché final sur les cotes de l'Essex
Dès 1845 des associations philanthropiques font construire des maisons-casernes pour les ouvriers.
Londres connait la première exposition universelle en 1851 au Crystal Palace.
Fin XIX éme Londres a une superficie de 350 km² et un périmètre de 90 km, elle restera la ville la plus peuplée au mondes jusqu'en 1925.
L'atlas universel de La Brugére note: "La cité de Londres est le principal entrepôt de commerce, cependant l'Est de Londres est habité par les négociants, surtout ceux qui se livre au commerce maritime. C'est là que se trouve les chantiers et les magasins les plus vastes du monde et les docks construits pour recevoir les vaisseaux."
Les rues sont larges mais il n'y a pas l'équivalent des "splendides boulevards parisiens".
L'intervention publique sera faible à Londres ( Regent Street), l'essentiel de l'urbanisation proviendra de lotissements des grands terrains des aristocrates. Les maisons ont presque toutes 3 étages bâties de briques recouvertes de plâtre.
Théophile Gauthier écrit "les maisons anglaises n'ont pas de portes cochères; presque toutes sont privées de cour: un fossé recouvert de barreaux ou garni de grilles. c'est au fond de ces tranchées que sont placées l'office, la cuisine et les dépendances...
Une chose qui donne à Londres son aspect particulier c'est la couleur noire uniforme qui recouvre tous les objets ... l'immense quantité de charbon de terre que l'on consomme à Londres pour le chauffage des usines et des maisons en est une des principales causes.
L'architecture des maisons habitées par les classes riches est tout à fait grandiose et monumentale.... on n'a jamais vu tant de colonnes et tant de frontons même dans une ville antique."
La population est alors de 3 250 000 habitants répartie dans les 36 quartiers, le plus ancien étant la Cité, aux rues étroites, avec les nouveaux quartiers de l'Ouest: -Westminster et West-End - aux larges avenues et les quartiers laborieux de L'Est avec le sombre Whitechapel ou plane l'ombre de Jack the Ripper.
L'activité est celle du plus grand port du monde avec ses grands docks (Sainte Catherine, docks des indes orientales,....) et celle d'innombrables usines.
Londres est quadrillé par les chemins de fer de compagnies concurrentes et depuis 1860 possède le Metropolitan Railway en plus de tramways, des 7000 fiacres et 1200 omnibus à chevaux et des nombreux bateaux à vapeur qui font le service omnibus sur la Tamise.
Histoire de Paris
L'enclos St Lazare. Un des grands espaces verts d'établissement religieux qui sera loti sous la restauration. |
L'eau de L'Ourq arrive à Paris sous l'Empire . Auparavant les parisiens ne disposaient que des eaux de Belleville et de celles de la Seine. |
L'ile de la cité sera presque entièrement reconstruite sous Napoléon III |
Charles Garnier remporte le concours de la construction du nouvel opéra à la surprise de tous en 1861. Il ne sera inauguré que sous la 3 ème république en 1875. |
Les opérations de voirie exécutées sous Napoléon III |
Le second Empire laisse une oeuvre inachevée. Par exemple la percée de la rue de Rennes s’arrête au boulevard St Germain alors qu'elle devait aller à la Seine |
Philippe Auguste puis Charles V entourèrent Paris de murailles mais les plus grands bâtiments sont les églises et les abbayes, véritables villes dans la ville. St Germain des prés, St Martin des Champs, Le Temple ont leurs propres murailles et la vraie division de Paris est celle de ses 35 paroisses.
A partir d'Henri IV les rois ou leurs ministres tentent de nouveaux aménagements: place des Vosges, lotissement de l’île St Louis, Palais royal. La ville intègre ses faubourgs, dépassant ses vieilles murailles mais elle redeviendra fermée sous Louis XVI par l'enceinte des fermiers généraux qui n'a pour but que de percevoir aisément l'octroi.
La révolution permettra le lotissement du territoire de tous les établissements religieux qui représentait les grands espaces verts de la capitale.
Sous l'Empire on aménage les quais, on créé de nouveaux ponts ( des arts, d'Iena D'Austerlitz) et l'eau de l'Ourq arrive à Paris au bassin de la Villette
Sous la restauration les quartiers neufs comme la nouvelle Athéne fleurissent. Boudés par les honnêtes gens ce sont souvent l'habitation des lorettes qui " essuient les plâtres". De nouvelles formes d'urbanisme apparaissent: les passages couverts et les "cités".
Les omnibus sont créés en 1828 par Stanislas Baudry, c'est le premier moyen de transport collectif de la capitale.
Thiers et les militaires veulent une nouvelle enceinte qui sera construite vers 1840 à l'emplacement des actuels boulevards des Maréchaux. Malgré quelques percées ( la rue Rambuteau), Paris change peu, les vidangeurs vont à Montfaucon, l'eau n'existe guère qu'aux fontaines, le centre est un fouillis de rues étroites,...
Enfin arriva Napoléon III ! Celui ci connait Londres ou il a séjourné de 1838 à 1840. Il a pu apprécier ses vastes espaces, le confort moderne des maisons pourvues d'eau courante et de tout à l'égout. Il veut transformer sa capitale et c'est dans le baron Hausmann qu'il trouvera son maître d'oeuvre avec un double but: l’hygiène et l'ordre public.
Dans un premier temps l'empereur veut construire des cités pour ouvriers sur le modèle Londonien ( la cité Napoléon de la rue Rochechouart ) mais ces bâtiments sont peu appréciés et il n'existe pas encore en France l'équivalent des sociétés philanthropiques anglaises. Le régime réussira mieux dans la construction de casernes destinées à "contrôler" Paris.
Paris a son exposition universelle en 1855, 4 ans après Londres, et récidive en 1867..
Pour l’hygiène Belgrand va entreprendre l'arrivée de l'eau de la Duys puis de la Vanne à Paris et construira un grand réseau d'égouts, Alphand créera les parcs. Le vieux Paris est percé de nouvelles avenues le long desquelles s’élèvent des immeubles uniformes de 6 étages ( du fait des règlements dont le premier date de 1844).
En 1860 Paris s'agrandit et intègre les villages compris entre l'enceinte des fermiers généraux et celle de Thiers ( Belleville, La Villette, Vaugirard, Passy, Montmartre,....)
Le nouveau réseau d'égouts ne recevait que les matières liquides, chaque maison gardant des fosses fixes dont les vidangeurs emmenaient le contenu au dépotoir de la Villette ( d'ou elles étaient expédiées vers Bondy).
Mille étudia dés 1860 le système de tout à l'égout Londonien mais son application à Paris ne fut effective que vers 1880. A la même époque Eugène Poubelle, préfet de Paris, organise le ramassage des ordures.
Deux professions disparaissent alors: les vidangeurs et les chiffonniers.
Hausmann fusionne les entreprises de transports parisiennes en une compagnie unique: la compagnie générale des omnibus ( CGO) qui gère 25 lignes par 500 voitures.
En 1853 Loubat demande la concession d'une ligne de "chemin de fer américain" , c'est le début de la construction d'un réseau de tramways qui va concurrencer la CGO.
En 1860 Paris absorbe les villages compris entre l'enceinte des fermiers généraux et celle de Thiers. Il y avait là autrefois de grands domaines seigneuriaux ( par exemple le parc du chateau de Ménilmontant s'étendait sur 50 hectares) mais au moment de l'annexion ceux-ci sont déja morcelés à la suite de la révolution.
20.000 immeubles détruits, 30 000 construits, 300 km de voirie, l'eau potable, 600 km d'égouts, l’aménagement des bois de Boulogne et de Vincennes, l'éclairage des rues... telle est l'oeuvre d’Haussmann.
La IIIéme république continue mollement l'oeuvre d'urbanisme de L'Empire (avenue de la république) .Des sociétés philanthropiques apparaissent, bien après celles d’Angleterre, et commencent à construire des logements pour ouvriers dans les quartiers périphériques.
Les expositions universelles se succèdent et deviennent de plus en plus importantes: 1878 ( ancien palais du Trocadéro), 1889 ( tour Eiffel), 1900 ( Grand et Petit Palais et la première ligne de métro).
La belle époque voit fleurir les hôtels particuliers ( le palais rose) construits par des architecte de talent comme Sanson ( mais hélas pour la moitié d'entre eux détruits aujourd'hui)
Les premiers tramways utilisaient des chevaux, on eut ensuite des moteurs à air comprimé mais vers la fin du siècle les 50 lignes sont à traction électriques et desservent la banlieue. Le conseil municipal repousse les projets de métro des compagnies de chemin de fer : il veut son métro strictement intra-muros dont la première ligne ne sera construite qu'en 1900.
Jusqu'en 1860 la banlieue c'était la campagne des parisiens , mais la fin du siècle va voir le commencement des lotissement des parcs des châteaux ( Maison-Lafitte bien sur , mais presque tous les villages avaient leur château ) et des forêts ( la foret de Bondy n'est aujourd'hui presque plus qu'un souvenir). L'Est de la capitale est pleine d'artisans et d'ateliers mais la grande industrie mécanique commence à s'installer en proche banlieue. L'Ouest est plus favorisé car les rois y avaient tracé quelques vastes avenues et leurs grands domaines, devenus nationaux, sont à peu près protégés mais ailleurs les villages deviennent brusquement des petites villes sans espaces libres ni voirie suffisante.
Conclusion.
Londres et Paris ont des histoires très différentes.Londres doit sa vitalité à son port, au commerce et à son indépendance face au pouvoir royal. L'histoire de Paris est au contraire liée à celle du pouvoir politique et religieux. Londres bénéficie pleinement de la suprématie maritime anglaise et de la révolution industrielle dés le début du XIX éme siècle Paris ne deviendra une "ruche ouvrière" que vers la fin du XX ème siècle.
Quand Napoléon III arrive au pouvoir Londres est une ville moderne ( peut être parce qu'elle fut détruite par le grand incendie), c'est à marche forcée qu’Haussmann transformera Paris en s'inspirant des solutions anglaises.
Paris a le grave handicap d'être une ville close, il n'y a aucune unité entre la capitale et sa banlieue. Londres au contraire s'est développée plus largement, la ville a gardé des espaces verts qui appartenaient aux grands propriétaires alors qu'à Paris la Révolution et la pression foncière ont détruit tous les espaces verts des établissements religieux. Napoléon III a bien créé quelques parcs mais les maisons sont hautes et sans jardin au contraire de Londres.
Si les beaux quartiers sont à l'Ouest dans les deux villes, la séparation des classes n'est pas aussi marquée à Paris qu'à Londres, la rue est plus commerçante plus vivante, à Paris et la présence des forces de l'ordre plus marquée.
A la fin du siècle Paris fait illusion grâce à sa toilette Haussmannienne aux expositions universelles et à la fête de la belle époque. Londres, plus grande et plus peuplée, a de meilleures atouts économiques mais est moins séduisante.
Paris va bientôt devenir trop petit et aucun dirigeant politique n'aura le courage de repousser ses limites et d'accomplir le travail d’Haussmann en banlieue.
Références
- London, a pilgrimage. Gustave Doré et Blanchard Jerrold 1872
- Géographie universelle. Elysée Reclus 1875
- Atlas La Brugere vers 1900
- Le Paris moderne. Fabienne Chevalier 2010
- Atlas historique des villes de France. Hachette 1990
- The British Metropolis 1851
- Les comptes fantastiques d'Haussmann. Jules Ferry 1868
- Le financement des travaux d'Haussmann. Bernard Marchand 2011
- Paris, Roman d'une ville