Histoire de plafonds: l' Opéra Garnier et la salle Henri II du Louvre

Une manie courante  est de remettre au gout du jour des édifices anciens. Sous Louis XIV on "améliorait"  les cathédrales gothiques mais maintenant  on améliore (quand on ne  détruit pas) les édifices du XIXème siècle.
Les deux dernières améliorations concernent la place de la République et le bâtiment XIXème siècle du musée des beaux arts de Dijon.

Dans deux cas  il y a encore de l'espoir car les œuvres n'ont pas été détruites mais simplement cachées.

Le plafond de l’Opéra Garnier 

Plafond de Lenepveu
Plafond de Chagall
Malraux, qui fit tout pour qu'on le prenne pour un grand homme, n'aimait pas le XIXème siècle et laissa donc détruire le palais rose. Il voulut rénover l'opéra Garnier en demandant un nouveau plafond à Chagall.
Celui ci, représentant 14 musiciens, ne serait pas désagréable s'il se trouvait dans un bâtiment moderne mais est totalement déplacé dans un décor Second Empire.
Le plafond original existe toujours sous le plafond moderne, j'espère que nous le reverrons un jour.

C'était l'oeuvre de Jules Eugène Lenepveu, peintre angevin dont on connait encore les martyrs aux catacombes.
Le plafond de Lenepveu fut exécuté sur une coupole de cuivre formée de 24 segments boulonnés entre eux de 20 m de diamètre et 4 m de hauteur
Cette bizarre solution avait été adoptée pour se prémunir des risques d'incendie.
La réalisation se fit sur 3 morceaux disposés en éventail dont l'artiste pouvait demander la modification (on boulonnait et déboulonnait alors des segments pour les mettre sur un autre morceau).
Lenepveu veilla à ce que la peinture utilisée ne soit pas à base de plomb car elle aurait été altérée par le grand lustre portant 340 becs de gaz.
Le peintre voulut que son œuvre  contint toutes les allégories possibles se rattachant au lieu: Apollon, Venus, Les muses, les diverses musiques, les heures du jour et de la nuit, la beauté, l'amour , le chant, Diane,... tout cela résumé par le titre  " le triomphe de la beauté, charmée par la musique , au milieu des heures du jour et de la nuit"
Les figures montent et descendent dans la lumière du soleil ou dans celle de la lune. La composition part du char d'Apollon dans la lumière du soleil du matin  jusqu'à un clair obscur du coté opposé à la scène.

Explication des allégories 

Nos "chers maîtres" aimaient l'allégorie et la mythologie. Il est curieux que nous trouvions cela ridicule aujourd'hui alors que nous sommes admiratifs quand nous "comprenons" le sens d'une œuvre antique et que nous apprécions les mondes imaginaires de Tolkien.

Voici le décryptage du plafond de Lenepveu.
De gauche à droite: Melpomène, Calliope , Polymnie,une femme répandant des roses, les chevaux du soleil, Clio ,Uranie, Thalie, Euterpe, Erato
Dans l'axe de l'ouverture de la scène, au milieu d'une vive clarté qui détermine les lumières et les ombres de toute la composition, apparaissent au loin les chevaux qui guident le char du Soleil. On aperçoit l'extrémité du timon. Entre les deux chevaux de gauche, un génie ailé tient une lyre ; au-devant des chevaux, un autre s'élance, une palme dans la main gauche, un flambeau dans la main droite. Plus haut, l'Aurore demi-nue, drapée de rose, écarte des voiles roses dans les replis desquels se jouent six génies aux ailes bleues, groupés deux à sa droite, quatre à sa gauche. A gauche, cinq femmes s'enlèvent dans l'air en se donnant la main. La plus haut placée , très-cambrée, vue de dos, la tête renversée, répand des fleurs; elle est drapée de rose. Celle du milieu est drapée de bleu. De chaque coté du char du soleil, sur un plan plus rapproché, sont groupées les Muscs. A droite, sur un nuage sombre, Clio, vêtue d'une draperie bleu foncé, tient d'une main la trompette, de l'autre les tablettes de l'histoire. Uranie, vêtue de bleu céleste, tient un compas et mesure une sphère. Thalie tient de la main gauche le masque coînique  et de la main droite les verges de la satire. Euterpe, assise sur un nuage, joue de la flûte. Erato, drapée de rose, s'élance dans l'espace, une lyre dans la main gauche ; un Amour, la tenant embrassée de la main droite, laisse tomber des fleurs sur la lyre. Erato donne la main à Terpsichore, qui, dans une attitude de danse, fait voler autour d'elle un voile transparent. A gauche du char du Soleil, sur des nuages sombres, est assise Polymnie, couronnée de lauriers. A côté d'elle, dans l'ombre, se tient Melpomène, vêtue d'une tunique rouge ; une draperie bleu foncé, agitée par le vent, au- dessus de sa tête ; un sceptre dans la main gauche, un poignard dans la main droite, elle regarde fixement devant elle ; à ses pieds, dans une chaudière, des substances magiques s'enflamment et éclairent d'une lueur sinistre cette partie de la composition. Deux hiboux se tiennent auprès de la chaudière. Au-dessus, dans le ciel lumineux, Calliope, vêtue de blanc, sonne de la trompette de la main gauche, et tient une couronne de la main droite.
De gauche à droite: Venus, les heures de la nuit et l'orchestre, les génies et la marotte de la folie.
 Plus à gauche, dans le haut, deux génies aux ailes bleues transparentes se jouent et tiennent la marotte de la Folie, l'un de la main droite, l'autre de la main gauche. Au-dessous, trois enfants ailés s'enlèvent, enlacés, au milieu d'une draperie rouge ; l'un, de la main gauche, tient le thyrse sur l'épaule, et, de la droite, élève une coupe de cristal qu'un autre génie emplit de vin, de la main gauche, pendant que sa droite laisse échapper deux dés. L'enfant du milieu tient, de la main droite, le double masque tragique et comique, et, de l'autre main, saisit la taille du premier enfant. Au bord du cadre, deux oiseaux passent, les ailes déployées. Un Amour, l'arc tendu, prêt à lancer la flèche, vise l'un d'eux. Du côté opposé à l'ouverture de la scène, sont réunies les douze heures de la nuit. Trois femmes groupées, personnifiant l'orchestre, jouent de divers instruments. L'une, vêtue de bleu, la tête couverte d'un casque dont une chimère ailée orne le cimier, tient la trompette de la main droite, et semble sonner la charge, pendant que sa main gauche fait retentir les timbales.   Une autre, drapée de jaune, le front ceint de pampres, tient de la main gauche le tambour de basque, de l'autre un chapeau chinois. A sa gauche, une femme demi-nue, drapée de rouge, tient une harpe antique dont le corps représente le sphynx égyptien. Un Amour l'embrasse au front ; un autre, en se jouant, fait vibrer une des cordes de la harpe. Deux Amours jouent, l'un des cymbales, l'autre du cor de chasse. Au-dessus de ce groupe, neuf femmes enlacées l'encadrent dans une courbe harmonieuse. La première, à droite, et la plus rapprochée, fait vibrer les cordes de la harpe égyptienne; les autres s'enlèvent et s'éloignent progressivement, dans une ronde fantastique ; l'une des dernières se renverse en arrière, en se tordant les cheveux d'un geste désespéré. Très-loin, un cerf s'élance ; deux chasseurs, à peine visibles, le poursuivent. Du côté droit de la salle, entre ces groupes et les Muses, Vénus, nue, est mollement couchée sur des nuages. Ses colombes sont à ses pieds. Un Amour lui présente un miroir ; un autre, sur les genoux duquel elle est accoudée, lui ceint le front d'une branche fleurie de myrte. A sa gauche, six Amours jouent de la Nuie, de la mandoline, du violon, du triangle, de la double flûte et de la guitare. Derrière Vénus, flotte une draperie de pourpre. - A sa droite, un enfant se joue dans l'air, portant sur la tête une corbeille ronde, pleine de fleurs. Au-dessous de la corbeille, se jouent deux Amours. Au-dessous, trois enfants. L'un offre, de la main droite, un coffret précieux, et de l'autre, un collier de perles à Vénus. Un autre présente un diadème à la déesse. Le troisième ne montre que sa tête. Plus à gauche, se retrouve le groupe des Muses que nous avons déjà décrit en commençant.

Le plafond de la salle Henri II

La dispute d'Athena et de Poséidon 
La guerre et la paix 
Le plafond de Braque
Catalogue 1923 des peintures du Louvre
La salle Henri II fait partie du Louvre de Lescot, cette partie a subi bien des vicissitudes. Il y avait là  à la renaissance deux salles: l'antichambre et la garde robe. Sous Louis XIV on les réunit pour former une antichambre en réutilisant les boiseries  sculptées et dorées par Scibec de Carpi en 1557. Les appartements du roi  furent détruit par Duban en 1851 pour créer la salle des Sept cheminées et on installa dans les  3 compartiments vides du plafond de l'antichambre  des toiles de Merry-Joseph Blondel: La dispute d’Athéna et de Poséidon, La Paix, La Guerre.
Ce peintre décorateur avait réalisé une partie de la décoration de Nd de Lorette, travaillé à Fontanebleau, à Versailles et était proche de Percier qui lui commanda des plafonds du Louvre (1)
André Cornu, secrétaire d'état aux Beaux-Arts, se laisse convaincre par Georges Salles de commander des œuvres à Braque en 1952.Celui ci peignit des  oiseaux bleus et noir.
Les œuvres de Blondel pour la salle Henri II sont qualifiées maintenant de "peu convaincantes" , le site officiel du Louvre prétend même qu'elles étaient " en mauvais état". Elles me semblent en tout cas, comme tous les plafonds du Louvre de Charles X, plus en rapport avec le décor.

Une autre histoire de plafonds est contée ici

(1) la France victorieuse à Bouvines, Louis XVIII et la charte.

Sites et références