Le patrimoine parisien menacé des HLM des années 60-80

Dans les arrondissements périphériques, les usines et les ateliers on fait  place dans les années d'après guerre à des immeubles HLM. Les terrains étaient vastes et c'était encore l'époque ou la charte d'Athènes guidait les architectes. On a donc construit des barres et des tours sans respect pour l'alignement des rues. tout en ménageant de larges espaces libres  à moitié parking de surface à moitié espace vert.
Opération Preault-Fessart de 1970: des immeubles hauts et des espaces libres: des parkings et des arbres classés en EVP. 
Rue Armand Carel.
Conçu  par Honegger, cet ensemble est peu dense (et comprend une église)
Sur la cinquantaine d'ensembles réalisés c'est le seul  qui bénéficie d'une mesure de protection 
La mode a changé, les immeubles sont revenus à l'alignement des rues et leur hauteur a baissé.

Hélas, ces dernières années on a autorisé à nouveau des immeubles hauts et denses. Les espaces libres des ensembles HLM sont devenus convoités: pourquoi ne pas construire de nouveaux immeubles en alignement de rue dans ces pelouses et ces parkings ?
Les parkings, c'est facile à supprimer puisque l'idée couramment admise est que la voiture prend trop de  place dans la capitale. Pour les espaces verts c'est un peu plus difficile, d'autant que la plupart sont classés EVP (espace vert protégé) dans le PLU. La manœuvre est donc la suivante: on construit sur les EVP mais on "compense" en supprimant les parkings (voire en plantant des arbres sur le trottoir).

Une autre menace plane sur ces ensembles: la rénovation thermique. En effet tous ces bâtiments sont considérés "sans aucun intérêt patrimonial ni architectural"(1). Ils sont pourtant signés de grands noms de l'époque  et présentent des façades revêtues de plaques de pierre ou au moins de carrelage. Une rénovation thermique économique consiste à plaquer des bardages sur tout cela, détruisant tout relief et tout caractère (2). Le pire est quand l'architecte en charge décide de "colorer" les façades pour compenser le manque de relief  et la monotonie résultante 

Deux exemples: la rue des meuniers, ou le mal est fait, la rue Préault, ou la mairie a reculé sous la pression des habitants du quartier.

La rue des Meuniers 

L'ensemble "Charenton Meuniers Nicolaï" a été construit en 1963-1964. Il s'agit 8 bâtiments de 379 logements.
Au 45 rue des meuniers il y avait un grand espace vert, on y a construit un immeuble. 
45 rue des meuniers hier45 rue des meuniers aujourd'hui

La  rue Preault

De part et d'autre de la rue Preault, il y a à l'Ouest un ensemble construit en 1961 de 110 logements et à l'Est un ensemble de 1963-1970 de 200 logements avec une crèche municipale.
L'opération projetée par la mairie consiste à reconstruire la crèche à l'Est  sur un EVP  en "compensant" par la suppression des parkings de surface des HLM, puis de démolir la crèche existante pour construire un immeuble de 75 logements.

 
La rue Préault aujourd'huiLa rue Préault du projet de la mairie 

Suite à la mobilisation des habitants du quartier, le projet de reconstruction de la crèche et de construction d'un immeuble a été abandonné en septembre 2023. La crèche existante sera simplement rénovée.
Cet exemple montre qu'il est possible de  faire reculer la mairie et l'office si les habitants s'opposent fortement à la bétonisation.

Conclusion


A Paris, dans les années 60, on a détruit dans les quartiers périphériques beaucoup de bâtiments du XIX e siècle. A l'Ouest c'était des hôtels particuliers (on a même abattu le Palais Rose), à l'Est parce que c'était des immeubles trop modestes (qu'est devenu le Ménilmontant de Ballon rouge ? ).
On s'attaque maintenant à "densifier" les ensembles HLM des années 60, détruisant ainsi ce qui reste d'espaces verts  privés (3) dans la capitale et défigurant des immeubles dont on méconnait la valeur comme on a méconnu celle des immeubles du XIX e siècle. 
La mairie définit par ailleurs un nouveau "Plan local d'urbanisme bioclimatique". Interdira-t-il la destruction d'espaces verts ou permettra-t-il encore de "compenser" leur destruction par des artifices ? 

Place des fêtes en 2020Place des fêtes en 2023.
On a "amélioré l'habitat" en surélevant l'immeuble.

Notes

  1. Cette appréciation était celle dans les années 60 pour le Palais Rose, c'était celle aussi de l'architecte  chargé de construire les nouvelles galeries nationales du Grand Palais 
  2. Il est très étonnant qu'en fait de rénovation durable on utilise des bardages dont la durée de vie est d'une trentaine d'années.
  3. 40% des espaces verts protégés (EVP) sont ceux des ensembles construits entre 1947 et 1977  d'après l'APUR. Les EVP sont définis dans le PLU article UG 13.3, 1 Espace vert protégé (notez aussi l'article UG 14 "Règles de densité" qui ne contient qu'un seul mot : "néant". On peut densifier autant que l'on veut !) 

Sites et Références